La trame bleue et les pollinisateurs : un lien qui coule de source

réseau écologique

Les réseaux écologiques sont au centre de nombreuses discussions. Beaucoup de projets visent à leur préservation et leur restauration en soulignant l’importance de ces réseaux pour la biodiversité et les écosystèmes.

Entre pollution des eaux et assèchement des zones humides, le réseau écologique aquatique est particulièrement mis à mal. Les pollinisateurs font partie de ce réseau et sont donc directement impactés par la perturbation des milieux humides et aquatiques.  

Les réseaux écologiques :  

Toutes les espèces, qu’elles soient animales ou végétales ont besoin de se déplacer. Ces déplacements sont indispensables à l’accomplissement de leur cycle de vie mais sont également importants pour le maintien des espèces car ils assurent un brassage génétique.  

Deux structures écologiques majeures vont servir aux espèces : les réservoirs de biodiversité et les corridors écologiques.  

  • Les réservoirs de biodiversité, qui ne sont pasImage 1_réseau écologique forcément des réserves naturelles, sont des lieux très riches en diversité et servent à la majeure partie du cycle de vie. Les réservoirs peuvent être plus ou moins grands en fonction des espèces. Les forêts, les rivières, les mares et les océans sont des exemples assez représentatifs de ce que peut être un réservoir de biodiversité.  
  • Les corridors écologiques, ou couloirs écologiques, sont des espaces de transition qui permettent aux espèces d’accomplir une partie de leur cycle de vie (reproduction, hivernation, naissance…). Ils connectent également les réservoirs entre eux et permettent donc aux espèces de passer d’un réservoir à l’autre.  

Les corridors peuvent être continus (alignement de haies, rivières…) ou discontinus (réseaux de mares, arbres isolés, îlots le long d’un cours d’eau).  

En fonction des espèces, certains espaces peuvent être des corridors ou des réservoirs (rivières, mares…) 

Les trames :  

Par soucis de simplification (par exemple pour la rédaction de projets), les réseaux écologiques sont subdivisés en « trames » qui sont chacune intégrées dans un milieu spécifique ou qui vont s’intéresser à une problématique précise.  

  • Trame verte : réseau écologique terrestre 
  • Trame bleue : réseau écologique aquatique 
  • Trame noire : réseau écologique sombre (pollution lumineuse) 
  • Trame brune : réseau écologique souterrain 
  • Trame blanche : problématique de la pollution sonore 
  • Trame odorante : problématique de la pollution olfactive 

Cette division est bien entendu fictive car les espèces évoluent dans les différentes trames en fonction de leurs besoins.           

Dans la trame bleue, on considère entre autres les biotopes suivants : rivières, mares, mers, océans, côtes, estuaires, lacs, berges de cours d’eau, ripisylves, prairies humides, marais, tourbières et les zones immergées temporairement. 

L’une des préoccupations majeures est de restaurer les continuités écologiques, afin de permettre aux espèces de circuler librement entre les différents réservoirs de biodiversité, d’emprunter les corridors écologiques et d’évoluer dans des territoires suffisamment grands pour leurs besoins. Il est donc primordial d’identifier les obstacles à la libre circulation qu’on appelle également « points de discontinuité ».  

Les points de discontinuité sur la trame bleue sont nombreux : moulins à eau, barrages et seuils artificiels, pollution, artificialisation des berges, présence de plantes invasives, urbanisation du lit majeur d’un cours d’eau, assèchement des tourbières et bien d’autres encore.  Ces obstacles empêchent la libre circulation le long d’un cours d’eau (continuité longitudinale) ainsi qu’entre les différents biotopes (continuité transversale).  

Ainsi, une route rendra très périlleux, voire impossible, la migration des grenouilles d’une mare à une autre. Un moulin à eau empêchera les truites de remonter la rivière et l’assèchement des prairies humides retirera de nombreuses plantes des milieux humides favorables aux pollinisateurs.  

Seuil-artificielBerges articficielles

Image de gauche : seuil artificiel - Image de droite : berge artificialisée l Photos Pierre-Laurent Zerck

Les p(eau)llinisateurs :  

Lorsqu’on évoque la trame bleue, on pense surtout aux poissons. Cependant, de nombreuses autres espèces en font partie, dont les pollinisateurs.  

Bien entendu, le lien le plus important avec les pollinisateurs est la présence de plantes spécifiques aux milieux humides, voire aquatiques. Toutefois l’eau ne sert pas qu’à faire pousser des plantes…  

Les pollinisateurs sont nombreux : abeilles, guêpes, syrphes, coléoptères, papillons de jour et de nuit… Chacun a des besoins différents, la diversité des milieux sera donc essentielle pour satisfaire au plus grand nombre.  

pollinisateurs

La nutrition des adultes 

Les pollinisateurs se nourrissent de pollen et de nectar qu’ils trouvent sur les fleurs. La diversité de plantes est donc utile à la fois pour proposer une alimentation riche et variée aux insectes généralistes (bourdons, abeilles sauvages, syrphes) mais aussi, grâce à la présence de plantes spécifiques, pour satisfaire aux besoins des espèces spécialistes (abeilles sauvages, papillons…). Les pollinisateurs ont parfois des particularités physiques qui les limitent dans les plantes qu’ils peuvent visiter. C’est par exemple le cas des syrphes qui ont des langues assez courtes, ce qui les oblige à visiter des fleurs peu profondes comme des Asteraceae (pissenlits), des Rosaceae (reine-des-prés) ou encore des Ranunculaceae (populage des marais).  

La nutrition des larves et lieu de ponte 

Les larves n’ont pas forcément la même alimentation que les adultes. Cette différence est notamment rencontrée chez les papillons ou les syrphes.  
De nombreux papillons ont besoin d’une plante spécifique, une plante nourricière, qui servira de nourriture à la chenille. Le fadet des laîches, par exemple, pond préférentiellement sur des monocotylédones (Poaceae, Cyperaceae) dont la laîche qui n’offre pourtant pas de nectar au papillon adulte.  

Chez les syrphes, de nombreuses espèces sont aphidiphages (i.e. qui se nourrit de pucerons). D’autres espèces ont cependant un lien particulièrement étroit avec l’eau car leurs larves sont aquatiques. Le genre des éristales (e.g. Eristalis tenax) présente cette particularité.  

Les conditions de ponte varient en fonction des espèces avec parfois des besoins très particuliers. Le débit de l’eau, sa qualité, son pH ou la présence d’une plante particulière sont autant d’éléments qui peuvent influencer la présence de différentes espèces.  

Eeristalis tenaxEristalis tenax

Image de gauche: Eristalis tenax - Image de droite: Eristalis tenax adulte 

Un autre groupe de diptères, particulièrement associé aux milieux humides, fait également partie des pollinisateurs : les moustiques ! Si les larves sont aquatiques et se nourrissent de matière organique en décomposition ou de micro-organismes, les adultes peuvent se nourrir de nectar. En visitant les fleurs, ils transportent du pollen et participent donc à la pollinisation. Une espèce d’orchidée, Platanthera obtusata, que l’on retrouve dans les régions subalpines et boréales, dans des biotopes comme des tourbières ou d’autres zones humides, a d’ailleurs des moustiques comme pollinisateurs préférentiels ! 

Aedes_Orchids

Aedes sur orchidée. Source www.opb.org/news/article/mosquito-pollinators-northwest-orchid-science/ 

Pollinisation en milieu aquatique 

Les fleurs sont généralement des parties aériennes des plantes, mais pas exclusivement.  

Il existe des plantes à fleurs entièrement aquatiques avec des fleurs qui éclosent dans l’eau. La pollinisation se déroule sous l’eau, on parle alors d’hydrophilie.  

La pollinisation peut s’opérer sans autre intervention que les mouvements de l’eau, de la même façon que les plantes anémophiles sont pollinisées par le vent. Dans certains cas, des animaux peuvent la faciliter, soit en provoquant des mouvements d’eau (des poissons qui chassent des larves aquatiques) soit en passant de fleur en fleur pour se nourrir de pollen.

Bien que surprenant, il existe donc des pollinisateurs aquatiques ! Appelés « sea bees » (abeilles de mer) des crustacés, des polychètes ou encore des isopodes marins peuvent jouer ce rôle.  

Contre toute attente, les pollinisateurs et les milieux aquatiques ont beaucoup plus d’interactions qu’on ne pourrait l’imaginer. On peut donc affirmer sans trop se mouiller que, le lien entre les pollinisateurs et la trame bleue, ça coule de source.  

Quelques plantes intéressantes des milieux humides et favorables aux pollinisateurs 

 

Un article de Pierre-Laurent Zerck, conseiller technique pour les professionnels

Sources